Erreurs les plus courantes commises lors du calcul d'un bêta employé dans le MEDAF
M-4. Il reste 4 mois pour réviser l’UE2 de Finance d’entreprise du Diplôme Supérieur de Comptabilité et de Gestion. Si vos révisions ne sont pas entamées, espérons que ce post suscitera un élan de motivation...
Outre les activités d’évaluation ou de réévaluation comptables, le Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC) est entré dans la cour de justice où il est utilisé pour actualiser ou capitaliser les flux de trésorerie afin d'estimer les dommages et les compensations. Cependant, dans de nombreux cas, juger de la fiabilité d'un CMPC est un véritable défi exigeant un niveau élevé d’expertise. Pour calculer un CMPC, les évaluateurs doivent estimer le coût des capitaux propres. Aussi, la plupart des praticiens ont recours aux nombreuses bases de données financières dont les estimations peinent à converger (avec des ratios de 1 à 3 ou plus) et dont les méthodologies sont rarement transparentes.
Une autre option consiste à calculer un coût des fonds propres soi-même (comme cela est attendu dans l’UE 2). Cela permet à votre méthodologie d'être transparente et accessoirement, démontre votre expertise. Le modèle le plus utilisé (mais pas le moins contesté) pour ce faire est le Modèle d'Évaluation Des Actifs Financiers (MEDAF), qui nécessite une donnée d'entrée particulière : le bêta.
J'enseigne la finance d'entreprise depuis 30 ans aux candidats à l’expertise comptable en France et je corrige également l’examen national. Mon expérience atteint plus de 10 000 heures d'enseignement en finance d'entreprise. J’ai écrit et corrigé plus de 300 sujets d’examen, et 25 ans de participation aux examens de DSCG m'ont amené à lire des milliers de copies et d’études de cas. Durant ces années, j’ai pu continuellement observer la façon dont les personnes bien informées - ou du moins formées – appliquent le calcul du bêta. Cette expérience unique m'a permis d'identifier les erreurs les plus courantes commises par les praticiens lors de l'estimation du coût des capitaux propres. Dans cet article, je les partage avec vous.
Ce billet intéressera tous les étudiants en DSCG, mais aussi tous les évaluateurs désireux d'améliorer leurs pratiques et tous les utilisateurs de travaux par des experts évaluateurs. Ce billet n’intéressera pas les analystes financiers ou les actuaires dont l’usage du bêta diffère.
Pour rappel, le modèle du MEDAF est le suivant :
E(〖ROE〗_i )= R_f + (Rm-Rf)* βi
Avec:
E (ROEi), la rentabilité attendue de l'actif i
Rf, le taux de rendement sans risque
Rm, le taux de rendement du marché
βi, le bêta de la sécurité i
Comment mettez-vous ce modèle en pratique ? Comment estimez-vous le taux de rendement sans risque ? Comment estimez-vous le taux de rendement du marché ?
Dans cet article, je vais me concentrer sur la question suivante : de quelles connaissances avez-vous besoin pour calculer un bêta ?
Pour calculer une bêta par vous-même, vous aurez besoin de :
· Connaissances en théorie financière moderne,
· Connaissance des marchés financiers,
· Connaissances en mathématiques,
· Des connaissances en statistique, certains excellents mathématiciens n'ont que des compétences limitées en statistique,
· Une maîtrise d’Excel.
Dans chaque domaine de connaissance, je liste les erreurs courantes que j'ai pu constater dans les copies, et dans les expertises faites par des évaluateurs plus ou moins experts. En gras et pour chaque domaine de connaissance, je souligne les erreurs les plus couramment rencontrées.
La connaissance de la théorie financière moderne vous aidera à comprendre ce que vous faites, mais aussi les limites de votre calcul. Le MEDAF est un modèle qui vise à estimer le rendement que les actionnaires attendent de leur investissement dans un actif financier. Par conséquent, il ne s'agit que d'une estimation et en aucun cas d'une observation (les données d’entrée du MEDAF sont les rendements périodiques effectifs et non les rendements attendus).
Le bêta mesure l'évolution d'un actif individuel par rapport aux mouvements globaux du marché financier. Il ne mesure pas le risque de l'actif ; il mesure plutôt la contribution d'un actif individuel au risque du portefeuille de marché. Notamment, le portefeuille est considéré comme une représentation du marché et n'est pas totalement diversifié.
Lors du calcul d'un bêta CAPM, les principales erreurs liées à la théorie financière sont :
· L’interprétation du bêta comme une mesure du risque idiosyncrasique (risque spécifique à l'actif).
· La compréhension du bêta comme une mesure stable dans le temps.
Le bêta varie dans le temps, donc la période d'observation (et de collecte de données) est déterminante.
· L’interprétation du bêta comme un résultat du MEDAF.
· La confusion des bêtas descendants et ascendants, et donc de la nature des risques capturés dans les bêtas. Les bêtas descendants sont calculés à partir des cours des actions et des indices tandis que les bêtas ascendants sont des estimations basées sur des échantillons de sociétés comparables.
· L’ usage inapproprié du bêta sans effet de levier.
La connaissance des marchés financiers vous aidera à identifier sur quel marché financier l’actif financier est coté et l'indice boursier approprié, à choisir parmi une grande variété d'indices existants. Plusieurs règles régissent cette sélection, elles concernent la couverture de l'indice, les composants de l'indice et la méthodologie de l'indice.
L'entrée la plus difficile à estimer dans l’application du MEDAF est la prime de marché. Elle est fournie par de nombreux fournisseurs de données, qui utilisent différentes méthodologies pour produire leur estimation, et malheureusement divulguent rarement leurs méthodes. Ainsi, puisqu’il existe de nombreuses approches, les estimations de primes du marché sont très différentes d'un fournisseur de données à l'autre et en conséquence, susceptibles d’entraîner un problème de cohérence entre toutes vos entrées. De plus, le rythme de mise à jour est différent selon les fournisseurs. Certaines bases de données ne sont mises à jour qu'une fois par an, c’est le cas des données de Damodaran qui sont très utiles pour les professeurs de finance, mais beaucoup moins pertinentes pour les praticiens.
Lors du calcul d'un bêta CAPM, les principales erreurs liées aux marchés financiers sont :
· Le choix d’un indice qui ne correspond pas à votre périmètre d'intérêt.
· L’oubli de vérification des composants de l'indice.
· L’utilisation d’une période de marché dont la méthodologie de calcul diffère de vos choix méthodologiques (périodicité, mesures de rentabilité, modalités de calcul des moyennes d'appariement, etc.).
· L’utilisation de sources de données non fiables ou incompatibles.
· L’utilisation de taux de rendement sans risque et de primes de risque incohérents.
· La confusion entre approches historiques et approches implicites.
· Le choix d’un taux de rendement sans risque qui n'est pas sans risque.
· La sélection de séries temporelles de longueurs incohérentes.
Des connaissances en mathématiques sont également nécessaires. Le modèle de marché est une simple régression expliquant la rentabilité d'un actif financier en fonction de la rentabilité du marché. Le MEDAF quant à lui, explique la rentabilité de l'instrument financier en fonction de son bêta. La manipulation de séries temporelles nécessite quelques précautions particulières lors de l'estimation des moyennes. Lors de l’application du MEDAF, vous devrez faire des choix méthodologiques : comment traiter les séries temporelles, comment calculer la rentabilité, les moyennes, choisir un modèle d’évaluation, un prix de marché et un taux de croissance.
Lors du calcul d'une bêta CAPM, les principales erreurs mathématiques sont :
· L’interprétation du bêta comme un résultat du MEDAF.
· Le choix d’un modèle d’évaluation inapproprié.
· Le choix un taux de croissance ou un prix de marché inapproprié.
· L’oubli du fait que le coût implicite des capitaux propres est dérivé de prévisions qui ne rendent pas cette hypothèse explicite.
· La discordance entre les nombres d'observations entre les séries chronologiques.
· Le calcul de la rentabilité dans le mauvais sens car la série employée est ante chronologique.
· Le calcul d’un bêta sur une période trop courte.
· Le calcul d’un bêta sur une période trop longue.
Des connaissances en statistiques sont nécessaires pour calculer le bêta. Il convient de comprendre la signification d’une variance et d’une covariance, c'est-à-dire comment elles peuvent être interprétées. La compréhension des différences entre la variance théorique et la variance empirique est également requise.
Lors du calcul d'une bêta CAPM, les principales erreurs statistiques sont :
· La non-concordance de la méthode de calcul de la rentabilité (géométrique/arithmétique) et de la méthode de calcul de la moyenne.
· L’utilisation d’une variance théorique et d’une covariance empirique, et inversement.
· L’oubli de vérifier l'ajustement de la régression et d'autres indicateurs de sa qualité, avant de tirer des conclusions.
· La mauvaise compréhension des estimateurs biaisés.
· Le calcul d'un bêta biaisé.
· Le calcul de statistiques descriptives sur la base des prix observés et non sur leurs variations.
Enfin, des connaissances en comptabilité et en information financière sont utiles, car la lecture des états financiers apporte des éclairages complémentaires et notamment, situe l’entreprise émettrice de l’actif financier dans son secteur. Une bonne compréhension des modalités de comptabilisation des capitaux propres et des passifs, de leur évaluation et réévaluation, ainsi que de la manière dont ils sont dépréciés. Ces informations sont soit exprimées en valeur comptable, soit en valeur de marché, soit en juste valeur. La valeur de marché d'une dette financière est particulièrement intéressante lorsque l'on souhaite calculer un bêta avec ou sans effet de levier.
Pour aller plus loin, j’ai mis en ligne une vidéo de correction du dossier 1 des annales 2018 de l’épreuve de Finance d’Entreprise du DSCG (UE2).
Pour les étudiants du DSCG, cette vidéo comporte une aide à l’usage des machines à calculer qui vous fera gagner un temps précieux.
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